Qu’il s’agisse de patients mis en coma en raison du Covid-19 ou bien victimes d’un traumatisme crânien grave, ces derniers vont bénéficier d’importants soins en réanimation.
Malheureusement en cas de complication, nombreux sont ceux qui perdent connaissance et tombent dans un coma. Ceci n’est pas sans danger, ni sans conséquences sur le corps. C’est notamment le cas lorsque les soins sont prolongés en réanimation.
En effet, le personnel soignant doit faire face non seulement à la détresse respiratoire mais aussi à un autre phénomène parfois ignoré du grand public : la dénutrition et l’amaigrissement important du patient.
Il s’agit d’un autre problème périphérique qui n’est pas sans conséquence. En effet, la dénutrition du patient va l’affaiblir considérablement.
Le patient, dans un état de coma, va ainsi puiser dans ses ressources interne malgré l’apport de glucide et de protéine externe. C’est un vrai problème.
50% des infectés par le Covid-19 en réanimation maigrissent et subissent une dénutrition
La dénutrition est habituelle en réanimation et concerne 10 à 80% des patients. Cette situation est en inadéquation au regard de l’apports nutritionnels et des besoins réels du corps.
Parmi les patients que l’on retrouve en réanimation et sans conscience, 25% des patients de plus de 70 ans sont dénutris, 50% des cancéreux de bronchique mais également ceux qui ont été infectés par le Covid-19 subissent cette dénutrition en réanimation.
Le muscle est le plus grand réservoir de protéines corporel
C’est parce que le muscle du malade est le plus grand réservoir de protéines dans le corps que ce dernier va, naturellement, puiser dedans dans sa recherche de nutrition. C’est la raison pour laquelle c’est le muscle qui va fondre en premier chez la personne qui est dénutrie. On appelle cela l’auto-cannibalisme.
D’ailleurs, au regard du bilan énergétique observé en réanimation, il est plus raisonnable de limiter plus que de combler le déficit énergétique.
Il convient de noter que les personnes qui sont admises à l’hôpital sont plus des personnes à risques de dénutrition que la population générale.
Cela semble une évidence mais le patient bien nourri, musclé, résistera mieux à l’hospitalisation. Plus la personne est dénutrie, plus le risque d’infection est important.
D’ailleurs, plus le bilan nutritionnel est mauvais, plus le séjour en réanimation est long.
Ainsi, l’objectif de la nutrition en réanimation est donc d’éviter les infections et de raccourcir les séjours. Au-delà de 4 à 5 jours, l’absence de prise alimentaire est totalement délétère.
Les traumatisés crâniens sont face au danger de la dénutrition et s’infectent plus facilement que les autres. D’ailleurs ils ont une dépense calorique énorme sans qu’on puisse expliquer pourquoi.
Pourquoi le corps des patients, dont ceux infectés par le Covid-19, consomment deux fois plus d’énergie en réanimation ?
Face à une agression, les ressources du corps sont dirigées en priorité vers le cerveau, le cœur, les reins. Ce sont les organes principaux et permettant la survie. Ainsi et en réponse à l’agression en réanimation le corps va dans les premiers jours, augmenter la dépense énergétique. Cette dernière grimpe de manière exponentielle du 2ème jours jusqu’à 10 jours.
Le métabolisme de base est augmenté de 80%. En parallèle, la concentration de protéines totales dans le corps diminue énormément en 3 semaines. On évalue qu’on perd 200g de muscle par jour en réanimation. La mesure de la circonférence de la jambe et du bras diminue drastiquement en une semaine.
Comment évaluer la dénutrition du patient en coma en réanimation ?
On procédera tout d’abord à des mesures anthropométriques
Le poids (cinétique de perte de poids). La dénutrition correspond à une perte supérieure à 5% en un mois (sévère si supérieure à 10%). Ou à 10% en 6 mois (Elle est d’ailleurs considérée comme sévère si elle est supérieure à 15%). Il est important de savoir à l’entrée en réa si le patient a perdu du poids précédemment à son hospitalisation (par exemple dans le cas d’une maladie chronique)
Valeurs biologiques intéressantes
Le dosage d’albumine et préalbumine (protéines circulantes). On parle de l’état nutritionnel dans la semaine précédant le dosage (si inférieur à 11) et l’albumine : dans les 30 jours avant le dosage. Attention une inflammation fausse les résultats. On peut également retrouver dans les analyses de l’hémodilution (plus de liquide sanguin, arrive souvent en réanimation).
Au niveau fonctionnel
On a mesuré la force musculaire. Pour ce faire on peut évaluer la force de la main en pressant une poire reliée à un manomètre. On se réfère alors sur les tableaux de correspondance suivant le sexe, l’âge, la taille. Cette technique est rarement utilisée avec les traumatisés crâniens car cela nécessite que le patient puisse comprendre l’ordre et qu’il s’exécute.
Au niveau de la composition corporelle
Grace à la dilution isotopique, on peut voir la masse grasse et la masse maigre. l’injection d’un produit de contraste radioactif puis imagerie de type radio permettra de visualiser le corps entier. Il convient de préciser que si la technique est bonne, elle est rarement utilisée en réanimation car elle nécessite de déplacer le malade en médecine nucléaire. Or, il a bien d’autres priorités dans les soins en réanimation.
L’utilisation de l’inpédence-métrie (balances connectées) : des courant passent dans le corps et sont ralentis ou accélérés par les tissus graisseux, musculaires. Attention le résultat est faussé en cas de rétentions de liquides. C’est donc intéressant à faire à l’admission et à la sortie.
Comment aider les patients du Covid-19 en réanimation contre cette dénutrition ?
Le premier objectif est de préserver la masse maigre
Il faut donner au plus près des besoins caloriques du malade. Ne pas nourrir d’emblée, laisser quelques jours. Les recommandations sont de 25 kcal/kilo/jour. On se base sur le poids de base à l’admission. Puis on passe à 30 kcal/kilo/jour en rééducation ou lors de la sortie. Souvent pour les patients qui bénéficient d’une nutrition entérale ou parentérale, 1ml = 1 kcal. La nutrition est administrée en continu.
La dépense énergétique en réanimation est évaluée à partir de la calorimétrie indirecte. On mesure par rapport au gaz consommé, exhalé, combien de calories sont produites.
Quels sont les besoins protidiques ?
Les besoins en protéine sont de 1,3 à 1,5 g/kilo/jour. Les protéines totales, viscérales et musculaires diminuent au cours du séjour en réanimation.
Autre objectif, traiter au mieux les infections. Et oui c’est la base. Le Covid-19 a généré cet état, il doit être traité. En réanimation on essaie surtout d’éviter la surinfection car la charge virale du Covid-19 n’est plus un problème.
L’apport de protéine se fait par voie orale.
C’est d’ailleurs la voie préférées du patient, des soignants, des familles mais rarement adaptée et toujours dépassée.
Soit par la voie parentérale.
Il s’agit d’une voie de recours en cas d’intolérance digestive. La faillite du capital veineux périphérique impose un cathéter central peu compatible avec la rééducation hors de la chambre.
Les absences ou impossibilité d’alimentation orale ou entérale : vomissements, occlusions, post op de chirurgie digestive, résection de grêle, entéropathies inflammatoires (Crohn).
La poche ne doit pas être administrée plus de 24h00, sinon il y a un risque infectieux. Ceci est liés au cathéter : embolies gazeuses au moment de la pose, thrombose, complication infectieuse, pneumothorax si on pique le poumon au moment de la pose. Ces risque sont également liés au produit : hyperglycémie, hypoglycémie, hyperlipidémie, surcharge volémique.
Ainsi pour les patients guéries par le Covid-19, si vous constatez une importante maigreur consécutivement à leur admission en réanimation, vous comprendrez plus aisément les raisons.