Comment peut-on évaluer de la manière la plus juste l’ensemble des préjugés de la victime si tous les acteurs ne parlent pas la même langue, ne possèdent pas les mêmes instruments.
Il apparaissait nécessaire de consulter un recueil permettant à la fois aux médecins des compagnies d’assurance, au médecin expert judiciaire, aux avocats en droit médical mais également au juge spécialisé de travailler sur les mêmes bases.
Ceci étant dit, nous aussi nous devons parler de la même chose. Ainsi il faut distinguer la notion de dommages de celle de préjudice.
Cette notion du dommage corporel est définie comme: « l’atteinte à l’intégrité physique et psychique de la personne ».
On la considère souvent comme un synonyme de la notion de préjudice. Ceci est en fait une erreur sémantique. En effet le dommage relève du fait de l’événement qui est objectivement constatable et qui demeure au-delà du droit, comme très justement appelé le professeur Lambert Faivre.
Pour autant, le préjudice quant à lui exprime l’atteinte aux droits subjectifs patrimoniaux ou extra patrimoniaux qui appellent une réparation dès lors que tiers en est responsable.
Le préjudice marque le passage du fait, les dommages, au droit, la réparation.
C’est justement cette distinction entre les préjudices patrimoniaux et extra patrimoniaux que la commission Dintilhac a justement retenue.
LES DIFFERENTS PREJUDICES INDEMNISABLES
Présentation de la classification du rapport Dintilhac
La classification Dintilhac est issue du rapport d’un groupe de travail présidé par l’ancien Président de la deuxième chambre civile de la Cour de Cassation : Mr Jean-Pierre Dintilhac, aujourdhui décédé. Ce groupe de travail a permis d’établir un outil juridique remarquable pour les victimes. Il est d’ailleurs considéré comme le plus exhaustif possible, et ce afin de permettre une évaluation de l’ensemble des préjudices d’une victime.
On distingue les victimes directes, des victimes indirectes qui sont les proches d’une personne accidentée (en cas de survie suite à l’accident) ou bien les proches en cas de personne décédée.
Autre distinction, la nomenclature distingue les préjudices temporaires jusqu’à la date de consolidation, et les préjudices définitifs et permanents.
Le principe de la réparation intégrale de la victime
Le grand principe de la nomenclature Dintilhac est de permettre la réparation intégrale du préjudice de la victime.
Elle vise à rétablir l’équilibre détruit par le dommage et à replacer la victime dans la situation dans laquelle elle était avant l’accident comme l’a défini la Cour de Cassation, Chambre civile 2, dans son arrêt du 18 janvier 1973, 71-14.282, Publié au bulletin.
Cette définition de principe a été reprise par le Conseil de l’Europe dans une résolution du 14 mars 1975 selon laquelle :
« la personne qui a subi un préjudice a droit à la réparation de celui-ci, en ce sens qu’elle doit être replacée dans une situation aussi proche que possible de celle qui aurait été la sienne si le fait dommageable ne s’était pas produit ».
Ceci a permis d’interdire le principe de l’indemnisation forfaitaire que les compagnies d’assurance pratiquaient jusqu’alors et défavorable aux victimes.
La haute juridiction contrôle rigoureusement la définition des postes de préjudices et les méthodes d’évaluation indemnitaire.
Le recours tiers payeur des organismes sociaux
La Loi du 21 Décembre 2006 de financement de la Sécurité Sociale (n°2006-1640) va permettre d’imposer cette méthodologie d’évaluation des préjudices de la victime.
Ceci dans le but de permettre une nouvelle méthodologie de recours pour les organismes sociaux sur certains postes de préjudices. Ainsi, il faut juste retenir que le recours ne s’exerce plus de manière globale sur tous les préjudices, mais désormais poste par poste. La condition, qui est bien logique, est que le poste préjudice sur lequel l’organisme exerce un recours corresponde à une prestation payée par l’organisme social.
En effet, auparavant, l’organisme bénéficiait d’une priorité sur la victime. Autrement dit, il se servait et se remboursait sur l’ensemble des sommes revenant à la victime, ce qui était une grande injustice. Désormais, il ne peut recouvrir une sommes que s’il établit bien que sa prestation a indemnisé tout ou partie de ce poste. Ceci reste logique puisque la victime ne peut recevoir deux fois une indemnisation.
Exemple de recours tiers payeur
L’exemple le plus concret est le suivant : Une victime va bénéficier du versement par l’organisme social d’une indemnité journalière pendant la durée de incapacité temporaire physique.
Lors de la transaction avec la compagnie d’assurance, cette dernière va indemniser la perte de salaire qui est équivalente.
Si la victime gardait cette somme, elle aurait ainsi touché deux fois son indemnisation pour ce poste de préjudice, une fois par la sécurité sociale et une autre fois par la compagnie d’assurance. C’est alors que l’organisme social intervient et qu’en sa qualité de tiers payant, il se fait rembourser par la compagnie d’assurance directement les sommes qu’il a versées à la victime.
Ce qu’il faut désormais retenir est que depuis la réforme de la loi de 2006, l’organisme social n’est plus prioritaire sur la victime.
La nomenclature Dintilhac est utilisée par toutes les juridictions et organismes
Initialement utilisée uniquement par les juridictions civiles, désormais les juridictions administratives ont accepté le principe d’utiliser cette nomenclature dans le cadre des expertises en responsabilité administrative.
Ainsi dans son arrêt du 07/10/2013, n° 337851, Publié au recueil Lebon, le Conseil d’État a précisé ces règles de calcul de l’indemnisation. Le cas d’espèce concernait un militaire et les conséquences du versement de sa pension militaire d’invalidité alors qu’il avait été victime de soins fautifs dans un hôpital militaire après un accident professionnel.
C’est également le cas de l’ONIAM ainsi que le fonds d’Indemnisation des victimes d’amiante FIVA qui l’appliquent tout autant désormais.
Les différents préjudices indemnisables de la classification Dintilhac
Ainsi parmi les préjudices indemnisables de la classification Dintilhac on distingue :
- Préjudices patrimoniaux de la victime directe
- Préjudices extrapatrimoniaux de la victime directe
- Préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux des victimes indirectes en cas de survie de la victime directe
- Préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux des victimes indirectes en cas de décès de la victime directe
Les préjudices patrimoniaux de la victime directe
Ils indemnisent les préjudices financiers. C’est à dire ceux qui ont un caractère économique. Il s’agit aussi bien des pertes (de salaires) subies par la victime que de gains manqués par cette dernière. Ces préjudices sont soient temporaires ou bien définitifs.
1. Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation) :
- Dépenses de Santé Actuelles (DSA)
- Frais Divers (FD)
- Pertes de Gains Professionnels Actuels (PGPA)
2. Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation) :
- Dépenses de Santé Futures (DSF)
- Frais de Logement Adapté (FLA)
- Frais de Véhicule Adapté (FVA)
- Assistance par Tierce Personne (ATP)
- Pertes de Gains Professionnels Futurs (PGPF)
- Incidence Professionnelle (IP)
- Préjudice Scolaire, Universitaire ou de Formation (PSU)
Les préjudices extra-patrimoniaux de la victime directe
Composés de 10 postes de préjudices, ces derniers n’ont pas d’incidence pécuniaire, mais il s’agit de préjudice dits « moraux ». Leur particularité et leur attachement à la personne font qu’ils ne peuvent faire l’objet d’un recours de la part des tiers payeurs que sont les caisses de sécurités sociales.
1. Préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation) :
- Déficit Fonctionnel Temporaire (DFT)
- Souffrances Endurées (SE)
- Préjudice Esthétique Temporaire (PET)
2. Préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation) :
- Déficit Fonctionnel Permanent (DFP)
- Préjudice d’Agrément (PA)
- Préjudice Esthétique Permanent (PEP)
- Préjudice Sexuel (PS)
- Préjudice d’Etablissement (PE)
- Préjudices Permanents Exceptionnels
Les préjudices extra-patrimoniaux évolutifs de la victime directe
Enfin, le groupe de travail Dintilhac a prévu une catégorie bien particulière de préjudice extra-patrimoniaux qui concerne les pathologies évolutives.
Il s’agit par exemple de maladies incurables tel que le SIDA. La singularité de ces pathologies est qu’elle évolue et qu’elle constitue un chef de préjudice distinct. Il s’agit des préjudices extra-patrimoniaux évolutifs (hors consolidation) : liés à des Pathologies Evolutives (PEV).
Les victime indirectes
Préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux des victimes indirectes en cas de survie de la victime directe
Vivre avec une personne accidentée n’est pas la même chose qu’une personne n’ayant pas de handicap. C’est la raison pour laquelle le groupe de travail a distingué la victime directe de celle indirecte.
Il s’agit des proches de la victime qui ont des répercussions négatives sur leurs vies.
Il peut s’agir d’un préjudice moral, notamment celui que l’on nomme le préjudice d’accompagnement, mais également un préjudice financier.
C’est le cas lorsque la compagne d’un accidenté doit effectuer des déplacements pour aller voir la victime blessée dans un centre de rééducation. Cela peut également avoir des répercussions financières sur ses revenus en raison du temps passé à aider et assister la victime.
Dans tous les cas, il appartient à la victime indirecte de bien apporter la preuve que son préjudice est bien en lien avec celui de l’accidenté.
Les Préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux des victimes indirectes en cas de décès de la victime directe
Il s’agit de l’action directe des proches de la personne décédée qui souhaitent obtenir l’indemnisation de leurs préjudices.
Il peut s’agir du préjudice d’affection qui est un préjudice moral subi pour les parents de celui décédé.
Il est également reconnu les préjudices spécifiques d’accompagnement de fin de vie qui ont pour objet d’indemniser les proches qui subissent la fin inexorable de la victime directe. C’est souvent le cas en matière de personne touchée par l’amiante.
Il y a aussi les frais d’obsèques, et ceux divers comme les frais éventuels de transport et de séjour au chevet de la victime avant sa mort.
Enfin, lorsque le décès de la victime directe engendre pour le conjoint survivant et les enfants un préjudice économique, ils peuvent faire valoir un préjudice lié aux revenus perdus.
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